Le Tribunal Arbitral du Sport joue un rôle majeur dans le règlement des contentieux internationaux en matière de sport. Il est l’autorité de référence dans ce domaine. De nombreuses fédérations sportives l’ont désigné compétent pour régler les litiges. Pourtant, il reste grandement méconnu du public, et parfois controversé. Explications de son fonctionnement.
Le Tribunal arbitral du sport, institution méconnue du grand public, s’est fait connaître ses dernières années grâce à l’affaire Platini et au retentissant scandale de dopage des athlètes russes. Après la révélation d’un dopage institutionnel pratiqué depuis plusieurs années par la Russie, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a décidé de bannir la Russie du sport mondial pour quatre ans.
Le TAS est régulièrement sollicité dans le cadre du dopage par des sportifs sanctionnés par leur fédération et qui souhaitent faire appel de la décision. « Le TAS peut suspendre une fédération ou des athlètes comme dans le cas de la Russie », confirme Julien Fouret. Plusieurs athlètes russes suspendus pour dopage ont plaidé leur cause devant le TAS, certains obtenant la levée de leur suspension. Les fédérations nationales et internationales, fortes et bien organisées, disposent généralement de recours devant des juridictions internes pour régler les litiges. Lorsque les contentieux ne parviennent pas à être réglés, les parties se dirigent ensuite vers le TAS.
Le football est un cas à part au sein du TAS, à lui seul il représente plus de 60 % de l’activité du tribunal. Les deux institutions ont donc conclu un accord afin de mettre en place une liste spécialisée de 125 arbitres rassemblés au sein de la « Football List ». Ils sont nommés par le CIAS sur proposition de la FIFA, des confédérations, des clubs et des joueurs. D’autres disciplines, comme le rugby et le basketball, font figure d’exception. Ils ne prévoient aucun recours au TAS dans leurs statuts respectifs.
Les origines
Créé en 1984 à l’initiative du Comité International Olympique (CIO) et de son président d’alors, Juan Antonio Samaranch, le TAS part de l’idée de mettre en place une juridiction spécifique du fait de l’augmentation régulière des contentieux sportifs internationaux et la nécessité d’une justice sportive plus efficace. L’institution se veut indépendante et habilitée à rendre des décisions contraignantes. Elle peut être saisie uniquement par des athlètes, des fédérations sportives, des clubs ou des agents de joueurs, et est chargée de répondre aux « questions de suspension en matière sportive essentiellement », observe Julien Fouret, avocat spécialiste en arbitrage international.
Jusqu’en 1994, le TAS et le CIO entretenaient des liens institutionnels et financiers très étroits. À la suite d’une décision du Tribunal fédéral suisse, le TAS entreprend une réforme de ses statuts ainsi que la création de deux chambres d’arbitrage et du Conseil International de l’Arbitrage en matière de Sport (CIAS), structure responsable de l’administration du tribunal. Ces modifications sont entérinées par les « Accords de Paris », signés en 1994.
Malgré ces changements, le TAS est encore visé par des critiques sur les liens supposés qu’ils possèdent encore avec le CIO. Statutairement, le mouvement sportif nomme 12 des 20 membres du CIAS, qui désignent les huit autres. Financièrement, plus de la moitié des fonds alloués au tribunal viennent du mouvement sportif.
Principe de l’arbitrage
En s’installant à Lausanne, en Suisse, le tribunal a trouvé un terrain à sa convenance : le droit local est favorable à l’arbitrage. Il existe quatre formes de procédures pour lesquelles l’instance est compétente : l’arbitrage ordinaire, l’arbitrage d’appel, la consultative et la médiation.
La chambre d’arbitrage ordinaire du TAS agit en qualité d’instance unique dans les litiges de nature commerciale (les contentieux liés à l’exécution de contrats ou à la mise en œuvre de la responsabilité civile). C’est-à-dire que les parties font appel au tribunal pour arbitrer un litige sans passer par les tribunaux de droit commun de leurs pays respectifs.
La chambre arbitrale d’appel se voit soumettre des affaires disciplinaires, en particulier celles concernant le dopage, dans lesquelles il intervient après des décisions prises en dernière instance par des organismes sportifs. « Le TAS agit en dernier recours sauf si les parties ont décidé dans leur contrat que le tribunal règle leurs différends », nous explique Julien Fouret, arbitre français au TAS. Dans ce cas, « il n’existe pas de recours supérieurs, les décisions prises sont définitives ».
De manière générale, un arbitrage suit un procédé bien précis. Les chambres sont composées d’un ou de trois arbitres. « Chaque partie nomme un arbitre, le Tribunal nomme le président. Les parties s’échangent un ou deux mémoires écrits puis intervient l’audience qui dure plusieurs jours si c’est nécessaire ou quelques heures », explique l’avocat français. Suivent la délibération et la rédaction de la sentence, transmise aux différentes parties, qui s’applique de manière définitive et obligatoire.
Processus de sélection
Pour rendre des décisions, le TAS s’appuie sur un collège d’arbitres ayant, selon le Code de l’arbitrage, « une formation juridique et une compétence reconnue en matière de sport ». Désignés par le CIAS pour une période de quatre ans renouvelables, ils sont environ 400 aujourd’hui. Dans l’optique de représenter équitablement les langues et les différentes cultures juridiques, « le TAS s’efforce de recruter le plus d’arbitres de nationalité différente », indique Julien Fouret. Plus de quatre-vingts pays sont représentés au sein de l’instance.
« Chaque année, un comité de sélection se réunit pour décider du recrutement », précise l’avocat. Pour postuler, les candidats déposent un dossier de candidature qui comprend « des lettres de recommandation de membres actuels du Tribunal », détaille-t-il. Les arbitres, une fois nommés, ne siègent pas en permanence au TAS. Ils exercent tous une autre activité, généralement dans le domaine du droit. « Pour chaque affaire, les arbitres sont appelés par le TAS ou nommés par les parties », précise-t-il. Une multitude de professions est représentée : avocats, juristes, professeurs de droit, agents de joueurs et anciens conseillers d’État, dans le cas de la France.
Les arbitres peuvent siéger aussi bien lors d’une procédure ordinaire que lors d’une procédure d’appel. L’instance met également en place des formations spéciales durant de grands événements sportifs tels que la Coupe du monde de football et la Coupe de l’America. Pendant les Jeux olympiques, des tribunaux composés de neuf membres siègent en permanence. « Ils entendent toutes les réclamations sur des décisions prises sur le terrain ou administratives », indique-t-il.
Source : https://www.mondroitmeslibertes.fr/